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Réponse de Vincent Mézil

Je poste ici de façon plus visible la réponse de Vincent Mézil suite à mon précédent message concernant l’interview publiée dans le Casemate N°21

Bonjour
Je viens de lire votre article et comme j’y suis attaqué dedans, je me permets de vous donner une réponse afin de vous éclairer sur certains points sur lesquels vous n’avez pas compris nos propos ou notre démarche.
Tout d’abord, je voudrai vous mettre en garde sur ce qu’écrivent les journalistes.
Certaines phrases peuvent être sorties de leur contexte ou déformées. Quant au titre du denier Casemate, nous avons été choqués en le lisant. L’aventure avec Yslaire a été difficile mais très enrichissante. Quand le journaliste nous a demandé de faire un bilan, nous lui avons dit qu’il était très positif mais qu’effectivement nous étions soulagés d’avoir terminé. En effet, nous avons travaillé d’arrache-pied pendant près de cinq ans avec un rush final très difficile car nous avons dû, à la demande d’Yslaire, réaliser dix pages de plus pour terminer ce tome 3.
Résultat, le journaliste a interprété nos propos (comme vous l’avez fait dans votre article d’ailleurs), et n’a gardé que ce qu’il voulait garder et en plus l’a amplifié. C’est souvent par le scandale que l’on attire l’attention des lecteurs. La preuve.
Je voudrai donc corriger certaines choses.
Je ne pense pas être condescendant, contrairement à ce que vous dîtes, en donnant mon avis. Pour moi comme pour Jean, nous ne nous voyons pas retravailler à la main. Cela nous paraîtrait effectivement un retour en arrière et un amoindrissement de notre travail. Mais cela n’est en rien une attaque contre ceux qui travaillent à la main. Nous les respectons complètement et nous comprenons pourquoi ils travaillent ainsi. Mais ce n’est pas pour autant que nous ferions comme eux.
Le fait de travailler à l’ordinateur est une évolution logique du métier de la bd. N’oublions pas que le produit final est un album imprimé. Tout le marché des originaux dont vous parlez est un marché parallèle mais qui, à la base, n’a rien à voir avec les productions finales. On peut aujourd’hui trouver dans manuscrits de certains écrivains célèbres qui peuvent être achetés par des collectionneurs ou des musées. Mais le propos de l’écrivain quand il a sorti sa plume et son encre pour écrire n’était pas de conserver ses feuillets en espérant les voir un jour dans un cadre. Ce qu’il voulait c’était vraiment écrire un livre qui allait être reproduit en de nombreux exemplaires. Et, aujourd’hui, je pense que tous les écrivains travaillent à l’ordinateur et non plus à la main. Il est en effet beaucoup plus facile de retravailler une partie ou de faire des corrections alors que quand on devait raturer ou même réécrire une page c’était autrement plus contraignant.
Je sais que dans le cadre de la bd, c’est un peu différent mais ce n’est pas non plus à l’opposé.
Autre chose sur laquelle je voulais revenir : contrairement à ce que vous dîtes, nous assumons complètement le fait de travailler à l’ordinateur. Mais nous savons que certaines choses rendent mieux à la main. C’est pourquoi, toute la partie trait de nos planches est entièrement réalisée à la main. Et nous intégrons en effet des textures faites également à la main dans nos planches car nous estimons que cela améliore le rendu final.
Pour nous, l’ordinateur est vraiment un outil formidable. Nous nous en servons pour le story-board afin d’intégrer les décors (nous travaillons d’ailleurs avec un logiciel 3D pour en trouver les cadrages) et de commencer à travailler les personnages (dans leur structure générale). Il est ainsi très aisé de corriger un cadrage ou une partie anatomique d’un personnage. Un auteur comme Loiel, par exemple, fait plus ou moins la même chose à la main mais il est ainsi obligé de faire des photocopies avec agrandissement ou diminution de ses esquisses et de les recoller sur son story-board. L’ordinateur permet de faire cela beaucoup plus facilement.
De même Guarnido, sur Blacksad, fait des petites esquisses couleur dans la même optique que nous. Mais lui, les faisant à la main, est obligé de repartir à zéro pour attaquer sa page définitive. Alors que nous, grâce à notre outil informatique, nous pouvons affiner et détailler notre esquisse pour finaliser notre couleur.
Maintenant, pour ne pas avoir un côté trop lisse, trop froid qui résulte souvent du travail sur Photoshop, nous intégrons dans nos couleurs des textures, des tâches abstraites que nous avons réalisées préalablement à la main (aquarelle, acrylique etc). Cela nous permet de conserver un aspect « fait main », plus pictural, plus proche de la peinture sans avoir à sacrifier tous les avantages que procure le travail informatique.
Nous essayons vraiment de profiter pleinement du potentiel de chaque technique (manuelle ou informatique) dans l’unique but d’améliorer la qualité et non forcément le temps. Par exemple, beaucoup de mises en couleur réalisées sur ordinateur le sont pour un souci d’efficacité. Au contraire, nous avons, de notre côté, essayé de nous servir de l’informatique, comme d’un outil nous permettant de faire mieux que ce que nous aurions pu faire à la main.
Nous n’opposons donc absolument pas, contrairement à ce que vous croyez, le travail à la main et le travail à l’ordinateur. Au contraire, nous essayons de les faire coïncider, que chacun apporte quelque chose à l’autre.
Par conséquent et comme vous pouvez sans doute le constater grâce à ces quelques lignes, nous avons, contrairement à ce que vous écrivez, une réelle réflexion et un vrai recul sur l’outil que nous utilisons. Et nous essayons chaque jour de faire évoluer notre technique afin d’en améliorer le rendu final que verra le lecteur. Nous avons d’ailleurs fait évoluer de manière très significative notre façon de faire entre les premières planches du tome 1 et les dernières du tome 3.
Pour finir, vous parlez de nos dédicaces. Je vous rassure tous les gens qui en ont eu sont partis ravis. Je vous rappelle au passage que comme nous travaillons tout le trait à la main, nous n’avons aucun souci dans cet exercice.
Je vous invite donc, si le cœur vous en dit, à venir nous voir en dédicace en Janvier. Nous serons à Perpignan le 16, à Toulouse le 23 et probablement à Angoulême le week-end suivant.
J’espère en tout cas que vous avez apprécié les albums. Et si vous voulez d’autres informations, n’hésitez pas à me contacter.
Cordialement.
Vincent Mézil